La plupart des personnes de ce château détestait Traiger Shayne. C’était la mesquinerie et la méchanceté incarnée, la définition même de la garce du lycée, une de ces pestes à qui on a tous quelque à chose à reprocher. Il faut dire que la jeune femme faisait tout pour se tenir à cette réputation ; la liste des mauvais coups qu’elle avait pu infliger à ses camarades est trop longue à établir. Ainsi, Morten Nielsen, en s’aventurant du côté de Shayne, savait parfaitement ce qui l’attendait. Les deux Serpentards se connaissaient depuis leur première année, désirant tous deux se faire connaitre plus que les autres, faire parler d’eux, être remarqués. Pour sûr, ça n’avait pas loupé. On ne peut dire qu’ils soient devenus amis, leur relation se décrirait mieux comme étant une sorte de compétition d’arrogance et de sarcasmes, même si bon nombre d’élèves les imaginait parfaitement ensemble. Seulement, ni l’un ni l’autre n’était aveugle, et ce que les autres pensionnaires de Poudlard savaient, eh bien, ils le savaient aussi. Morten était le sale type sexy qui collectionnait les demoiselles de l’école (il était là aussi en compétition avec le Gryffondor Daniel Carter, mais ceci est une autre histoire), qui vouait une haine immense envers William Green (meilleur ami du Daniel en question, soit dit en passant), et qui semblait ne montrer qu’il avait un cœur et une âme qu’auprès des membres de sa famille. Traiger était la peste qui ne connaissait absolument pas les mots « altruisme », « confiance », « sympathie », « agréable », « douceur », et tout ce qui entrait dans le champ lexical des personnes appréciables. Son irrésistible beauté ne faisait qu’accroitre son côté maléfique ; Traiger était Traiger. Et elle était loin d’éprouver l’envie de n’être qu’une pauvre fille de plus sur la liste des conquêtes de Nielsen, tout comme il n’avait pas envie d’être victime des mauvais coups de la miss, de lui servir de larbin ou d’être traité comme un imbécile. Tout le monde, ou presque, dans ce château détestait la chipie qu’était Shayne, si on mettait de côté ses quelques amis proches et admirateurs (certainement pas très sains d’esprits). Et c’était à peu près la même chose du côté de Nielsen : on retirait de la liste l’équipe de Quidditch des verts et argents, ses amis, son frère et ses sœurs (bien qu’en ce qui concernait Emma, rien n’était sûr), les groupies qui n’étaient pas encore tombées dans ses filets et on obtenait tous ceux qui avaient une dent contre le Serpentard. Nous pouvons donc en déduire qu’à peu près les trois quarts du château détestait le couple que formaient Traiger Shayne et Morten Nielsen.

Ces deux-là, ce n’était au départ qu’un jeu auquel ils prenaient plaisir à participer. Un jeu de séduction qui visait à tester l’autre, à chercher à dominer et montrer à l’autre qu’on était le plus fort. Un jeu dont personne ne connaissait la durée et la façon dont ça pouvait se terminer – si ça se terminait – et dont les règles s’établissaient au fur et à mesure. C’étaient des sourires en coin, des regards qui en disaient longs, des sous-entendus alléchants, des sarcasmes emplis de provocation. On ne pouvait pas parler d’amour, l’un comme l’autre aurait répondu « non » sans hésiter si on leur avait demandé s’ils étaient amoureux, ou s’ils ressentaient au moins quelque chose de semblable envers leur petit(e)-ami(e). C’était le désir qui les animait, cette envie de chercher leurs limites et de se défier. Un jeu fort divertissant qui les amusait beaucoup, et qui faisait bien parler d’eux – de façon peut-être un peu trop négative, mais ce n’était pas comme s’ils n’en avaient pas l’habitude. Et cette relation avait fini par devenir un peu plus spéciale, moins prise à la légère, sans que Morten ne parvienne à l’expliquer. Ils ne parlaient pas beaucoup de ce qui se passait entre eux, en fait, ils se contentaient de la vivre. En attendant, avec tout ce qui lui arrivait, Morten était un peu perdu et ne savait comment le prendre. Ça avait commencé pendant l’épisode du parc, le jour où il avait – encore – frappé Green après avoir appris qu’il osait sortir avec sa sœur, lorsque Traiger l’avait empêché d’insister davantage et en le forçant même à reculer et à se calmer. Cette attitude l’avait tellement surpris que l’effet avait été instantané. Il ne savait d’où ça venait, ni par quel miracle Traiger avait suscité chez lui un sentiment différent. C’était si… étrange venant d’elle. Parce qu’en la regardant dans les yeux, il n’avait vu ni arrogance, ni lueur de défi, ni rien de tout ça. Juste l’ordre de se calmer. Et depuis, ce désir enflammant qu’ils éprouvaient, ce concours de celui qui serait le plus dominant et arrogant, tout s’était atténué. Pas disparu, non, c’était toujours ainsi que l’on pouvait qualifier leur relation, mais il était moins vif. Peut-être qu’ils se rendaient tous deux compte que ce jeu pouvait devenir lassant…

C’était à elle qu’il pensait, à Traiger, et au chemin qu’ils étaient peut-être amenés à prendre, en marchant dans un des nombreux couloirs de Poudlard, en direction des cachots de Serpentard. Il sortait de son cours d’histoire de la Magie, et ayant une heure de trou, il avait prévu de retourner dans sa salle commune. Il venait de perdre Braxton de vue, mais ne s’en souciait guère, il réapparaitrait bien vite. Et alors qu’il tournait à l’angle du couloir pour atteindre les escaliers, il se sentit tiré en arrière par la manche de son uniforme. Son regard resta blasé – il devait s’agir de Brax qui venait justement de réapparaitre. Mais lorsqu’il tomba nez-à-nez avec une fillette d’à peine douze ou treize ans, il ouvrit de grands yeux ronds de surprise. Qu’est-ce qu’elle lui voulait, cette enfant ?

-Morten ? Morten Nielsen ? lui demanda-t-elle en rougissant aussitôt.
-Lui-même, répondit-il d’une voix sceptique en tentant de se dégager.
-…
-Tu veux me dire quelque chose ?
-…
-Hey ? Si tu pouvais t’activer un peu, j’ai pas que ça à faire, moi.

Il la vit jeter un œil derrière elle, Morten leva les yeux dans la même direction. Un mini troupeau de gamines à moitié planqué derrière l’angle du mur, avec le même air illuminé.

-Oh, c’est pas vrai… murmura-t-il en retrouvant son expression complètement blasée.
-Bon ok, j’me lance… Tu veux sortir avec moi, Morten Nielsen ?

Ce dernier braqua son regard sur la fillette, et éclata de rire.

-Je savais que tu réagirais comme ça… fit-elle, le visage s’assombrissant.

Du coin de l’œil, le Serpentard vit l’une du troupeau donner un coup de coude à une de ses copines, et à peine eut-il le temps de réagir que celle qui l’avait attrapé par la manche bondissait sur lui, s’accrochait à son cou et plaquait ses lèvres baveuses contre celles de celui qui animait ses fantasmes. Morten eut tout juste le temps de la repousser tel un insecte décidé à l’ennuyer que déjà les trois ou quatre autres gamines laissaient échapper des hurlements hystériques. Effrayé, le jeune homme sortit sa baguette magique de son sac, prêt à employer les grands moyens au cas où une nouvelle attaque se manifesterait, repoussa un peu plus loin la petite Poufsouffle et se dépêcha d’entrer dans les toilettes des garçons qui, heureusement, n’étaient qu’à quelques mètres. Là, au moins, on ne risquait pas de venir l’importuner. Non mais c’était quoi ce délire encore ? Il avait failli se faire violer par une gamine de treize ans ! Lui, le grand Morten Nielsen, le Serpentard dans toute sa splendeur, se faire prendre au piège par une fillette de Poufsouffle ? Heureusement qu’elle et ses amies stupides n’obtiendraient aucune crédibilité à propos de ça… Manquerait plus que ça. Il se doutait bien qu’elles allaient s’empresser de raconter à toutes leurs copines que « Machin a réussi à embrasser Nielsen ! LE Morten Nielsen ! », alors que pas du tout. Elle s’était juste jetée sur lui et avait tenté de l’embrasser de ses lèvres baveuses. Seulement, personne ne les croirait. Et c’était tant mieux. Encore sous le choc, le septième année laissa tomber son sac à ses pieds, rangea sa baguette dans la poche arrière de son pantalon, s’approcha d’un lavabo et s’aspergea le visage d’eau. Il ne fallait pas lui refaire ce coup souvent, il en allait de sa santé cardiaque. Il poussa un soupir, histoire d’évacuer complètement la frayeur qu’il venait d’avoir, lorsqu’il entendit la porte de l’entrée des toilettes claquer.

-NIELSEN ! hurla une voix féminine.

Ce n’était pas la gosse. Bonne chose. Ce n’était pas un de ses camarades. Mauvais signe, puisqu’ils se trouvaient dans les toilettes des garçons. Ce n’était pas non plus Emma, puisqu’elle ne l’appelait jamais par leur nom de famille. Non, c’était Traiger, découvrit-il en se retournant vers celle-ci. Et elle avait l’air furieux.

-Traiger… Tu sais que tu n’as techniquement pas le droit d’être là ?

Elle s’en fichait, visiblement. Elle fit même peur à un Gryffondor de cinquième année qui venait de sortir d’une cabine en la regardant d’un air plein de reproche et qui se dépêcha de déguerpir.

-Qu’est-ce que j’ai encore fait ? demanda-t-il d’une voix lasse.

Traiger sortait de la salle de bain des Préfets. Bien qu’elle n’avait pas le droit d’y rentrer, Velvet qui était préfète en chef ne s’était pas gênée pour y ramener sa meilleure amie, peu importe les règles. Elles étaient restées plus d’une heure ensemble dans un bain moussant à se raconter leur vie comme d’habitude, critiquant et jugeant. Traiger avait finalement du partir pour retourner à la salle commune pour faire un devoir d’Histoire de la Magie à rendre pour le lendemain. Les cheveux encore mouillés, elle avait mis une robe courte décolletée noir et dont le bas faisait quelques volants dégradés du noir au gris clair, une veste noir simple et des bottes. Elle marchait rapidement dans le couloir accompagné de quelques amis qu’elle avait croisé en sortant. Velvet était restée là-bas, pour continuer à profiter de ses avantages de préfète. Elle feignait d’écouter les commères qui l’entouraient -malgré qu’elle aussi en soit une mais elle trouvait que ce qu’elles racontaient était terriblement ennuyeux- jusqu’à ce qu’au moment où elles tournaient pour changer de couloir. Traiger a soudainement ralenti le pas tout en observant la scène qui se passait à plusieurs mètres. Le jeune homme parlait avec un gamine, jusqu’à ce qu’il se mette à exploser littéralement de rire. Traiger ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passait mais ne put laisser échapper un sourire en coin en voyant Morten se moquer de la Poufsouffle. Même si ça lui semblait vraiment bizarre. Mais elle se figea littéralement quand la gosse sauta sur Morten et l’embrassa. Son expression changea peu à peu alors qu’elle entendit des cris hystériques derrière elle. Elle se retourna et aperçut un groupe d’hystérique. C’était pas possible. Ca devait forcément être une grosse blague. Morten devait se foutre de sa gueule. Il n’avait tout de même pas pu dire oui par pitié, ça ne lui ressemblait pas et que ce soit intentionnel ne lui ressemblait pas non plus.

« Traiger ? »

Elle se retourna vers celles qui l’accompagnaient, hésita avant de s’approcher de ces dernières.

« J’ai oublié de demander quelque chose au professeur d’histoire de la magie. Je vais voir si il est toujours dans sa classe.
-Tu veux qu’on vienne avec toi ?
-Non, c’est bon, je vous rejoins dans la salle. »

Elles reprirent leur chemin alors que Traiger dit demi-tour et vérifia si Morten se trouvait toujours là où elle l’avait vu quelques secondes auparavant. Non, bien sur que non. Il avait plutôt bien raison de fuir pour sa vie. Traiger, toujours au milieu du couloir jeta un coup d’œil sur sa gauche mais les groupies n’y étaient plus. Il fallait absolument qu’elle les retrouve, pour savoir où était passé Nielsen qu’elle lui mette la main dessus. Elle finit par se diriger vers l’endroit où la scène s’était passée, marchant de plus en plus rapidement, cherchant rapidement autour d’elle. Jusqu’à ce que cinq mètres plus loin où Morten s’était tenu, dans un petit couloir perpendiculaire, elle aperçut ledit groupe avec la petite garce en plein milieu, un sourire niaisement débile sur le visage. Elle remit en place son sac à longue bandoulière avant de foncer droit sur la gosse. Elle allait le regretter. Elle en bouscula quelques unes avant de l’attraper et le poussa jusqu’au mur derrière elle. Elle l’attrapa par le col et la souleva légèrement. Elle ne l’étranglait pas, elle l’avait juste attrapé de manière à ce que la gosse ne puisse plus toucher le sol, ce qui l’empêchait donc de fuir ou de faire autre chose qu’elle aurait pu regretter. Elle avait besoin d’être impressionnée pour comprendre son erreur. Heureusement que ces imbéciles s’étaient glissées dans un couloir si peu fréquenté. Une fois que celle-ci fut métriser, elle se retourna vers les autres en tenant l’autre d’une main pour voir ce qu’il en était, mais elles étaient toutes tétanisées, les yeux écarquillés, la bouche ouverte. Elle se retourna vers sa victime.

« Alors tu veux faire joujou ? » Petit sourire machiavélique. Pas de réponse. « Tu sais qui je suis ? » Hochement de tête rapide. « T’as déjà entendu parler de moi, donc ? » Hochement de tête ultra rapide. « Tu sais ce qu’il s’est passé dernièrement, sentimentalement parlant, je suppose ? » La pauvre petit victime hésita avant de hocher négativement la tête, lentement, peureuse. « T’en es vraiment sure ? Parce que pas moi. J’aime pas vraiment qu’on me prenne pour une imbécile. Alors je vais te conseiller un truc. Tu m’écoutes ? » Elle acquiesça. « Tu retiens ce que je te dis, c’est clair ? » C’est clair, apparemment. « La prochaine fois que je te vois ressauter sur mon petit copain, qui est Morten Nielsen que tu viens d’embrasser sous une pulsion merdique de groupies, je te jure que c’est pas par le col de ton uniforme que je t’attraperais. » Son menton tremblait, Traiger conclut qu’elle allait se mettre à chialer. « J’ai l’impression qu’aujourd’hui je suis d’humeur généreuse, donc je vais être gentille, je vais te donner deux-trois conseils. Déjà, je te vois plus t’approcher de vingt mètres de Morten, d’accord ? » Méga d’accord. Traiger jouait avec le ton de sa voir, passant d’un ton de voix glacial à un ton de voix doux lorsqu’elle lui demandait si elle avait bien compris. « Bien que tout le monde t’ait vu lui sauter dessus, tu as plutôt intérêt à ne pas te venter de ce que tu viens de faire, au cas où ça arriverait jusqu’à mes oreilles. »Traiger garda le silence en baissant légèrement la tête, pour la regarder droit dans les yeux. La gosse comprit qu’elle devait acquiescer. C’est ce qu’elle fit. « T’imagines même pas quelle honte c’est que tu lui aies sauté ainsi dessus. Bref. Pour finir, je ne veux plus entendre parler de toi. Et je te conseille d’éviter de croiser ma route. Je pense que Poudlard est assez grand pour ça puisse se faire, pas vrai ? » Mégasuper vrai. « Parfait. Il embrasse bien, hein ? » La petite me regarda, complètement désarçonnée. « Ben… C’est-à-dire que… »
« Chut. » Lui lança Traiger agitant légèrement son col ce qui la secoua un peu, et cru la faire taire. « Mais c'était lui... » Au regard de Traiger, la gosse se tût. Un mélange de surprise, d'hallucination pour le cran que la gosse avait de lui sortir une telle connerie qui se transforma rapidement en 'ne te fous pas de moi'. « Tu m'écoutes et tu la fermes. T'as de la chance qu'on soit dans une école. » Elle pencha la tête sur le côté, perçant la petite du regard. « J'ai jamais entendu une connerie aussi peu crédible. » Ca, en réalité, Traiger avait des doutes maintenant concernant Morten. Elle se demandait si celui-ci était capable de se rabaisser à une gamine. Certains mecs ne pouvaient s'empêcher d'être infidèle, même s'ils sortaient avec des canons, ce qu'elle avait conscience d'être. Mais Traiger ne laissa rien paraître, malgré ses doutes. « Ne vas pas te plaindre de ce qui est en train de se passer non plus. Dernier conseil, et toi et les moutons, vous dégagez. La prochaine fois, tu prends quelqu’un de ton âge, pas un septième année. » Sur ce, Traiger lui laissa retoucher le sol, et domina la gosse, regard hautain, main sur la hanche. « Qu’est-ce que tu regardes ? Allez, fous le camp ! » Elle ne se fit pas prier et partit au trot dans le couloir largement plus fréquenté, toutes ses copines sur ses talons.

Traiger récupéra son sac qu’elle avait laissé sur le sol avant de retourner dans le couloir principal. La gosse était juste à côté contre le mur, entourée de ses amies, en train de pleurer. Traiger se rappela qu’elle avait oublié de lui demander où se trouvait Morten. Sans gêne, elle s’approcha du groupe -qui ne manqua pas de s’écarter rapidement ce qui lui fit lâcher un sourire sadique-, et se pencha vers la gosse pour le lui demander. Elle commença à bégayer. Blasée, Traiger demanda à une autre des filles qui lui indiqua les toilettes des garçons. Sans remercier, Traiger en prit la direction sans hésiter, sourire aux lèvres grâce à l'effet qu'elle avait provoqué sur ses gamines. Ca lui apprenda à faire des conneries. Au tour de Morten. Bien évidemment, elle n’ira jamais jusqu’à le menacer comme ça. Faudrait être vraiment suicidaire, limite maso.

« NIELSEN ! »

Traiger avait interpellé son doué de petit-ami en poussant la porte et avant même que Morten ne se soit retourné, elle avait balancé son sac dans un coin de la pièce. Son sourire s'était évaporé. Elle sortit sa baguette et commença à se diriger en direction des cabines.

-Traiger… Tu sais que tu n’as techniquement pas le droit d’être là ?

Elle venait tout juste d’ouvrir rageusement la première cabine d’un coup de baguette qu’elle se retourna dans sa direction, le regard empli de reproche.

« C'est pas vraiment le problème. »

C’était le dernier de ses soucis d’être dans les chiottes du sexe opposé. La propreté n’était pas génial -à croire que pas un seul n’avait appris à viser-, mais elle avait d’autres chats à fouetter. Chat prénommé Morten. Elle continua à ouvrir violemment les cabines lorsqu’un Gryffondor sortit de l’une de celle-ci, regard plein de reproche. Traiger le lui rendit mais il ne s’attarda pas et sortit rapidement.

-Qu’est-ce que j’ai encore fait ?

Il se foutait d’elle. C’était pas possible d’autant ignorer une telle chose qui venait de se passer moins de deux minutes auparavant. Ou peut-être avait-il besoin qu’on lui rafraichisse la mémoire. C’est ce que pensa Traiger au même moment, si énervée qu’elle ne prit pas la peine de se retourner, ne voulant pas entrer dans une colère noire. Elle en avait fait des sales coups, consciente qu’elle se ferait encore plus détestée par la suite. Elle n’aimait pas forcément toujours ça -mais il fallait l’avouer que dès fois, elle y prenait vraiment du plaisir sans publiquement le montrer pour éviter d’accentuer trop rapidement sa réputation-, mais vu que c’était l’étiquette qu’elle s’était collée dès ses débuts à Poudlard, elle se devait de la garder. Elle était sortie avec beaucoup de garçons, de toutes les maisons et son comportement pouvait changer de l’un à l’autre. Elle savait avec qui et quand placer son infidélité, mais jamais avec les plus populaires et les plus beaux. En gros, ceux qui étaient un peu effacés passaient pour des imbéciles -il y avait quelques exceptions, par exemple si ledit petit-copain était beau alors, elle ne le faisait pas. Et Morten était populaire et beau. L’idée de le tromper ne lui était donc jamais passée par l’esprit. Il avait tout pour plaire.

« Ne joues pas aux cons, Morten ! Parce que tu ne l’es pas, au fond. »

Parfois, il pouvait faire semblant d’être vraiment débile mais Morten était intelligent. Traiger le savait. Si bien que selon elle, il pouvait peut-être y avoir un sous-entendu à son acte mais elle voulait des explications. Une des portes qu’elle ouvrit ne claqua pas contre le mur mais contre quelque chose qui provoqua un bruit plus étouffé. Chose qui se mit à brailler des jurons pas possible contre celui qui lui avait fait ça. Il n’était pas seul d’ailleurs, il y en avait un autre. Tout deux dans une même cabine pouvait laisser perplexe mais Traiger avait vu qu’ils étaient en train de se rouler un joint. Qu’ils le veuillent ou non, ils allaient devoir continuer leur activité ailleurs, et vite fait. Traiger termina de faire les quelques dernières cabines alors que le Gryffondor et le Poufsouffle sortaient de leur cabine.

« Dégage ! »

Traiger qui s’était dirigé vers Morten s’arrêta et se retourna, le regard noir.

« Toi, dégage ! »
« T’es dans les chiottes des mecs, j’te signale. »
« T’y es toi aussi, c’est pas normal. »

En gros, elle venait sous-entendre que c’était une fille ce qu’il comprit rapidement. L’autre complètement halluciné de voir Traiger devant lui eut droit à un taquet de la part de son copain. Ils finirent par déguerpir après que le Gryffondor eut voulu sortir sa baguette. Il s’était ravisé rapidement, voyant que Traiger pouvait se montrer très agile avec la sienne. Bande de merdeux. Elle rangea sa baguette en se retournant vers le cher Morten qui avait assisté à la scène. Toujours le regard noir -celui s’était amplifié en se retournant vers le Serpentard- elle s’approcha progressivement de ce dernier. Maintenant ils étaient seuls, ils pouvaient enfin avoir une discussion tranquille (ou pas).

« Tu ne te souviens vraiment pas de ce qu’il s’est passé, Morten ? Vraiment ?! »

Traiger estima que ce n’était pas son jour. Petit copain infidèle avec une boutonneuse en plein crise d’adolescence, presque combat avec un imbécile de Gryffondor, petite sœur en mode « super glu version 20.2 »… Bref, de quoi retourner dormir jusqu’au lendemain matin.

« T’as besoin que je te rafraichisse la mémoire ? »

Elle s’approchait de plus en plus dangereusement de lui, menaçante, comme si elle allait le bouffer comme elle avait failli le faire avec les deux autres imbéciles. Il ne lui suffisait que d’un tout petit signe de tête et Traiger allait le faire, elle le lui rappellerait la connerie monumentale qu’il avait fait. Peut-être même le lui faire regretter. C’était une des choses que Traiger ne supportait pas : qu’on la trompe et qu’on la prenne pour une imbécile. Surtout qu’il y avait une chose qu’elle ne comprenait absolument pas. Pourquoi une gamine de treize ans ? Une planche à pain, en plus. Avec un cerveau vide comme on en avait rarement vu. Quoi que pour le coup, Morten avait bien choisi puisqu’il était visiblement resté dans sa norme d’intelligence.

« Juste un mot à dire, et je vais te la rafraichir. Mais je te jure, Nielsen, que tu vas regretter ce que t'as fait. »

Elle avait essayé de ne pas trop gueuler pour le moment, gardant le reste pour la suite. Mais son regard noir et son ton glacial faisait bien comprendre que Morten avait plutôt intérêt à faire gaffe à ce qu’il disait s’il ne voulait pas s’en manger une.