Je suis née par jour de grand soleil -ça n'était pas du tout significatif- au mois de Février 1995. J'étais la deuxième d'une petite famille qui comportait déjà ma grande sœur, Amanda de 5 ans mon aînée. De personne aussi gentille qu'elle, je n'en ai jamais rencontrée. Elle était bien unique en son genre. J'ai eu la chance de naître à Londres, une des capitales mondiales de la musique pop/rock. J'ai eu une enfance plutôt bizarre. Mon père étant sorcier, il travaillait au ministère de la magie, et passait sa vie au travail. Quand il rentrait à la maison, c'était pour aller dans son bureau et continuer à bosser. Rarement je l'ai vu traîner devant la télévision ou venir jouer avec ma sœur et moi. Quant à ma mère, elle passait sa vie en dehors de la maison. Mais ce n'était pas pour le travail. Elle n'a travaillé qu'une seule fois, vers ses vingt ans, à la fin de ses études et elle passait ses journées à se limer les ongles. Au lieu de rester à la maison pour s'occuper de ses filles, elle sortait avec des amis et amies en discothèque -alors qu'elle n'avait plus vraiment l'âge pour faire ça, selon moi-, au cinéma, dans des soirées huppées et parfois même, elle allait faire le tour de l'Europe pour aller voir des "amis d'enfance". C'est ma sœur qui a donc joué le rôle de mère même si nous avions une gouvernante qui s'occupait de l'appartement et qui fut notre souffre-douleur. Mon père, je n'en étais donc pas très proche, mais je ne lui en ai jamais voulu : il n'a jamais été vraiment doué pour les relations humaines en dehors du travail. Ma mère, elle, était un peu trop excessive dans chacune de ses émotions et lorsqu'elle était à l'appartement, elle essayait de discuter avec Amanda et moi en nous racontant ses histoires. Personnellement, à cinq ans, les marques Jimmy Cho et tout le reste, je m'en fichais pas mal -et c'est toujours le cas. J'ai toujours que mes parents étaient les opposés parfaits : mon père la nuit, ma mère le jour. Mon père est plutôt du genre à passer deux nuits blanches pour travailler, à rester chez lui au calme, et à bouquiner avec son verre de whisky en main. Ma mère n'était pas du tout sérieuse, et en plus de son égoïsme, était une fêtarde incurable pouvant enchaîner plusieurs soirées sur plusieurs jours d'affilée et elle détestait le calme. Mes parents étaient, sont, et resteraient à jamais énigmatique.
Tout se déroula ainsi, en l'absence totale de leur amour jusqu'à l'âge de mes sept ans où tout bascula. Du jour au lendemain, Amanda me fut sauvagement arrachée sans que, sur le coup, l'on m'explique pourquoi sous prétexte que j'étais « trop jeune ». Je ne la revis jamais. C'est à partir de ce moment-là que ma personnalité changea totalement. Gamine, j'étais d'un naturel joyeux, ouverte, souriante. Je n'arrivais jamais à tenir en place et n'arrêtait pas de rire. Je devins l'opposé de tout ça. Froide, presque frigide, renfermée, mélancolique, calme et triste. La mort d'Amanda ne manqua pas d'affecter mon père qui essaya tout de même de me soutenir pendant plusieurs semaines, en restant à mes côtés, en essayant de me parler, de me faire sourire. Mais j'étais encastrée dans un mur de silence : je n'ouvrais la bouche que pour rester polie. Rien de plus. Parmi les efforts de mon père, j'eus le droit aux explications de la disparition d'Amanda par mon père, ma mère s'étant bien évidemment dérobée à la tâche. « Esmée chérie, il faut que tu saches que le monde n'est pas fait que de bonnes choses. Et que le bonheur, ces bonnes choses partent souvent plus rapidement qu'on ne le pense... » « Amanda était une bonne chose ? » Du haut de mes presque huit ans, j'ai remarqué que mon père n'eut aucune hésitation quant à sa réponse. « Oui, on peut dire ça comme ça. C'était une très bonne personne. Ta soeur a manqué énormément de chance parce qu'aujourd'hui, si elle a disparu, c'est à cause d'un microbe. » « Un méchant microbe ? » « Un très méchant. » « Mais pourquoi elle ? » Il a ouvert la bouche avant de rapidement la refermer. Je me souviens avoir remarqué du coin de l'œil ses yeux emplis de larmes mais il m’attrapa sous les aisselles et me posa sur le canapé à côté de lui. De mes grands yeux vides et innocents, je l'avais regardé me tourner le dos et monter à son bureau, traînant des pieds. Il avait fait son maximum mais avait remarqué que ses efforts n'aboutissaient pas à grand chose alors il finit par s'investir corps et âme dans son travail. Ma mère ne mit pas beaucoup de temps pour s'en remettre mais elle se limita à ses sorties en ville pour rester avec moi après avoir mis la gouvernante à la porte. Depuis, lors de ses sorties shopping, elle m'emmenait avec elle et j'eus le droit aux attentions ridicules de toutes ses copines que je détestais un peu plus à chaque fois que je les voyais. Je ne les supportais pas, tout simplement : elles étaient horriblement maniérées, avec des voix aïgues et ne cessaient jamais de piailler. Je travaillais de moins en moins à l’école, sans que mes notes aient pour autant brutalement descendu : même si j’étais en primaire, je me désintéressais de ce qui m’entourait. Ce n'était donc pas vraiment la joie à la maison entre mon père qui passait ses journées dans son bureau, j'apprendrais plus tard qu'il avait sombré dans les limbes de l'alcool étant plus devenu une loque qu'un colérique, et ma mère -elle-même ne sachant pas quoi faire pour mon père- qui était professionnelle des grâces matinée qui s'étiraient de plus en plus. J'appris à être autonome. Ma mère m'apprit, comme elle savait si bien le faire, à sortir les grands sourires quand il le fallait. Mon père, lui, il s'y forçait. Pour les autres, le deuil d'Amanda avait été fait depuis bien longtemps mais la vérité était que nous n'avions tellement pas su, enfin surtout mes parents parce que j'étais encore assez jeune, faire face aux évènements que ceux-ci nous avaient noyés et engloutis, au minimum mon père et moi. Ma mère, je n'en savais rien, peut-être que cet égoïsme était un masque, un mur derrière lequel s'abriter même si j'en doute. Je suis totalement incapable de le dire, n'ayant jamais réussi à la cerner, je ne l’ai jamais voulu non plus. Je ne m’intéressais pas à elle. Contre toute attente, j'avais beaucoup de famille assez proche que je voyais régulièrement certains résidant, comme moi, à Londres. Mon père ayant plusieurs frères, ils avaient eux-mêmes eu plusieurs enfants et je revivais le temps de les fréquenter. On était un peu comme la secte du sang des Jones. Les repas duraient toute l'après-midi et lorsque nous avions fini le repas de midi, c'était limite s'il fallait déjà attaquer le dîner. Entre enfants, nous avions eu des tensions, des petites disputes mais nous nous sommes toujours énormément amusés même si les tranches d'âge étaient vastes, dans ce cas, les plus grands restés ensemble et les plus petits aussi. C'était la maison du bonheur jusqu'à rentrer chez moi, mon enfer quotidien.

Puis Poudlard, ce que je crus être ma nouvelle délivrance. Ma mère, lorsque je reçus ma lettre, fut plus heureuse que moi alors que mon père souriait fièrement pour une fois depuis bien longtemps. Mais arrivée à Poudlard, j'eus énormément de mal à m'intégrer jusqu'à ce que celle qui allait devenir, pour un peu plus d'un an, ma meilleure amie fit son approche. Poudlard et son immensité, bizarrement alors que j'étais née à Londres, m'effrayaient. Les "grands", comme je les appelais durant les neuf premiers mois, les septième année étaient imposants, mais ça, au bout d'un an, ça ne m’empêchait pas de les provoquer ou de m’engueuler avec. Je me suis remise à travailler lorsque ma meilleure amie a quitté l’Angleterre pour l’Espagne au bout de deux ans à Poudlard, n'ayant trouvé que ça dans quoi me plonger. Elle n’avait pas réussi à me guérir et durant cette période où je me suis retrouvée extrêmement seule, je me disais que personne ne le pouvait. Qui se serait approché d’une dépressive qui, à seulement 12, semblait cassée comme une personne qui avait été marquée par une vie coriace durant 60 ans ? Et pourtant, en quatrième année, Maëdy est venue inconsciemment à la rescousse. Puis d’autres amis ont suivi le mouvement, eux aussi peut-être un peu inconsciemment et aujourd’hui, je peux dire que je vais bien, enfin.
« Esmééééééée ! » entendais-je avant de me faire étrangler, chaque été -ou autres vacances- avant même d’avoir pu poser un pied dans mon appartement. C’était ma voisine de palier, June, qui habitait ici avec son grand-frère, et qui surveillait mon retour de "mon internat Americain" au radar. Je n'avais pas trouvé mieux pour improviser, et le second pays évident qui parlait Anglais pour moi était les USA. June avait trois ans de plus que moi, et son frère huit. Ils étaient un peu barges mais géniaux. Je passais une grande partie de mes vacances avec eux. En général, on faisait appartement commun, c’est-à-dire que nos deux appartements appartenaient à nous trois même si je préférais largement le leur. C’étaient des musiciens. June avait deux guitares -une sèche et une électrique- et à leur mezzanine, ils avaient un piano, une batterie, un saxo et une vieille trompette. Je devenais presque leur sœur.

Mais ce n’était pas la réalité. Esmée vivait, et vit encore dans le mensonge sans le savoir. Son vrai nom n’est pas Jones, mais Rismoron. Elle est bel et bien née à Londres mais elle n’a pas de sœurs, mais plutôt un grand frère. Ses parents n’ont pas autant d’argent, non, bien au contraire, ils font partis de la basse société anglaise qui a le nez dans la poussière. Son appartement ne fait pas 200 mètres carrés en haut d’un immeuble à Londres, mais il s’agit plutôt d’un appartement qui se situe aux sous-sols, un peu en dehors de Londres, miteux, avec tout juste l’eau potable et l’électricité qui marche une fois sur deux. Son père est un sang-mêlé, sa mère une sang-pur. Deux sorciers qui ont décidé de se retirer dans le monde des moldus et qui, n’ayant pas de diplômes, se sont écroulés avant même d’y avoir pensé, elle déjà enceinte d’un petit garçon qui allait vivre contre son grès là-dedans pendant huit ans. Ils ont fini par faire quelques petits trafics avant que ça ne se transforme en affaires bien plus importantes. La mère d’Evan et Esmée -qui n’était pas encore née à cette époque-là- a commencé à se piquer alors que leur père faisait son maximum pour garder la tête hors de l’eau. Mais difficile de dealer et de vivre avec sa compagne qui était plongée là-dedans. Il a fini par se noyer. Ils n’apportaient pas beaucoup d’amour à Evan. Ce n’est qu’à la naissance d’Esmée -qui n’était pas au programme- que les services sociaux ont enfin agi, séparant Esmée et Evan de leurs parents pour l’orphelinat. Esmée n’est restée que quelques jours avant d’être adoptée par une famille riche. Elle a été séparée d’Evan.
Aujourd’hui, ce dernier est toujours vivant et garde un œil sur sa petite sœur qui n’est pas au courant de son existence. Quand on est un nourrisson, on n’a pas de souvenirs. Les parents adoptifs d’Esmée n’ont jamais osé le lui avouer. Mais il se pourrait qu’une rencontre enter frère et sœur avec une parole de trop puisse tout changer.

Esmée est télékinésiste mais ne se doute encore de rien. Elle mettra beaucoup de temps avant de réussir à pouvoir l'utiliser, ne serait-ce qu'un peu consciemment, et surtout correctement. Son pouvoir se manifestera avec ses émotions, souvent lorsque celles-ci seront assez forte. Un coup de colère et tout les livres tombent des étagères, un calme profond et le feu de la cheminée qui s'éteint, un bien-être ou de la joie et les feuilles des arbres s'envolent en sens inverse -du sol jusque dans les airs-, quelqu'un qui l'embête trop et une pile d'objets inopinés surgissent et barre le passage de son interlocuteur -surtout cela qui lui arrivera assez souvent, sans qu'elle le veuille... Elle comprendra plus tard que son pouvoir est donc en lien avec ses sentiments qu'elle doit apprendre à contrôler, quitte à les simuler parfois. Si elle veut bien l'utiliser, elle sera contrainte de se concentrer au maximum sur son environnement et devra utiliser son sens observateur. Son pouvoir l'aidera à garder son espace vital, et à faire en sorte que les inconnus ou les connaissances l'approchent trop ou la touchent alors qu'elle ne supporte pas ça, c'est comme une protection physique contre toute attaque extérieure -qui ne sont pas forcément dangereuse.
L'utilisation de son pouvoir que ce soit conscient ou non lui donne des maux de tête qui réussiront à passer avec l'expérience.